Vous trouverez ici quelques idées volontairement provocatrices et sans aucune volonté de blesser ou d’imposer une méthode ou encore une technique mais seulement d’exprimer une réflexion qui pourrait être utile.
- I. Le consommateur en-quête de satisfaction
« Il est plus difficile de désagréger un préjugé qu’un atome » disait Albert Einstein et il semble bien que cela soit encore vrai aujourd’hui.
De fait, je vais tenter de désagréger certains préjugés car pour les atomes je ne les aime que crochus … quand ils s’accrochent à la bonne opinion !
Depuis plus de vingt ans, j’aime mesurer l’opinion, (vingt ans d’amour, c’est l’amour fou ! dit le poète).
J’aime fabriquer des équations gagnantes pour les entreprises dans lesquelles j’ai la chance d’entrer.
I.1 Les entreprises, leur mode de décision
Aujourd’hui, elles sont souvent prestigieuses, souvent pilotées par des collaborateurs hautement diplômés ou expérimentés, humains, complexes dans leurs relations extraprofessionnelles mais endossant chaque matin, une posture professionnelle, hyper rationnelle, loin de la vie « normale » des clients.
Ils tentent de mettre en place des décisions stratégiques réfléchies, bataillées, argumentées dans des comités de direction ou stratégiques éloignés parfois de nos raisonnements d’experts et qui n’ont pas de temps à perdre sur cet essentiel trop souvent invisible.
I.2 le choix de l’unité de mesure
Ainsi, lorsque se pose le choix d’une unité de mesure client, j’entends régulièrement des professionnels y compris du monde des études, affirmer qu’il faut impérativement une échelle de mesure paire à 4 niveaux.
Certains attribuent même la paternité au psychosociologue Likert(3) ou Osgood(4) alors que l’échelle du premier est à 5 ou 7 niveaux et que celle du second est une sémantique opposée…
Pour mieux convaincre encore, l’avis de plusieurs de leurs semblables est demandé, comme s’il suffisait d’être plusieurs à penser la même chose pour avoir raison !
(ceux qui en douteraient peuvent regarder la scène du caillou dans Midnight Express(6)).
Les caractéristiques des modalités proposées sont souvent les suivantes ou quelque chose qui s’en rapproche :
Tout à fait satisfait, plutôt satisfait, plutôt pas satisfait, pas du tout satisfait
On va même jusqu’à exprimer le fait qu’il faut que le sondé tranche (un terme de boucher) son opinion et qu’il se positionne d’un côté ou de l’autre de cette échelle.
- II. De grâce, n’imposez pas au sondé de trancher son opinion !
On est bien loin des philosophes-mathématiciens ou des psychologues pour aborder la prise de mesure de l’opinion.
La brutalité du choix de la réponse à donner vient mettre le doute sur la question elle-même.
Le sondé s’effraye, il risque même de couper court à l’enquête.
– Au-delà de l’absence de niveau moyen ne correspondant ni à un plus, ni à un manque…
– Au-delà de l’absence d’un niveau de juste équilibre de la prestation avec la demande
– Il convient de mener une réflexion fondamentale, reposant sur les principes de la vie quotidienne.
Ce qui est normal pour une entreprise…
C’est au minimum…
De satisfaire un maximum de clients.
C’est la seule « raison d’être » de l’entreprise, qui justifie les « en-jeux » mis par les actionnaires et c’est bien là le minimum à atteindre afin d’assurer la pérennité, la rentabilité et le plein emploi.
C’est ce même « minimum » que demande chaque parent à ses enfants au niveau de la scolarité : atteindre au minimum la moyenne pour passer d’une classe à l’autre !
Ce postulat simple mais assurément pas simpliste, est trop souvent oublié au profit d’une technique en apparence simplificatrice (trancher entre le moins et le plus), mais bien dangereuse et qui pourrait même remettre en cause le « zéro neutre » découvert par les arabes.
III. Laissez le mode exister, Retrouvons le bon sens et la tendance centrale !
III.1 300 ans sans remise en cause
Tout ceci nous conduit vers le modèle « normal » et ses qualités ou caractéristiques mises en évidence par Laplace (1) et Gauss (2) il y a plus de 300 ans et que nous utilisons tous sauf quand on l’oublie !
III.2 Le modèle normal met en évidence des caractéristiques fondamentales :
– La moyenne est superposée au mode (valeur la plus représentée dans une population) et à la médiane (valeur qui sépare en deux parties égales l’ensemble de la population)
– L’étendue couvre 6 écart-types (écart moyen calculé entre les réponses)
– Environ 60% des individus sont compris entre -1 et +1 écart type
– Environ 99% entre -3 et +3 écart-types
Si l’on reprend notre postulat : « le minimum c’est de satisfaire une majorité de clients. »
Illustration du modèle normal
De fait, ce qui est alors « normal » c’est au minimum une satisfaction « sans plus ni moins » pour un maximum de clients.
Il existe donc un niveau central correspondant à cette perception-opinion et qui regroupe le plus de clients. Il s’agit de l’histogramme le plus haut : le mode.
IV.2 Acceptez le mode de vos clients
Ce qui est donc normal c’est l’histogramme gris, ce qui est anormal, ce sont les histogrammes rouges et jaunes.
Ce qui est du registre du dépassement, de l’excellence est représenté en vert et en turquoise.
L’analyse ici reste simple : environ 15% des clients sont insatisfaits (rouge et orange) plus de la moitié sont justes « satisfait »
IV.3 Que se passerait –il si on tranchait l’opinion à la hache !
…en ayant recours à une échelle paire pour que les sondés se positionnent :
Cela donnerait alors naissance à quelque chose de ce type en tranchant en deux parts égales les clients « satisfait » (sans pour autant qu’on en soit certain) à partir des données de notre précédent graphique.
Dans ce cadre, on peut penser que l’entreprise va se mobiliser pour remédier à la situation au plus vite car près de 1 client sur 2 n’est pas satisfait.
Elle va déployer des moyens considérables pour déplacer les volumes de couleur orange vers les volumes de couleur bleue.
Ce qu’il faut en retenir :
– La parité des échelles démobilise les collaborateurs par des scores inquiétants
– Elle entraîne la mobilisation de moyens supérieurs à ce qui est nécessaire
– Elle peut faire naître une surqualité non décelable
– Elle n’accepte pas que l’objectif prioritaire pour la plupart est de satisfaire (ni plutôt, ni très, ni autre chose) mais juste de « satisfaire » une majorité de clients. Cette majorité doit s’exprimer et se reconnaître.
– Elle remet en cause sans raison l’existence d’un modèle simple, jamais remis en cause sur plus de 3 siècles et dont les propriétés sont avérées … le modèle « normal »
Vous l’aurez compris, l’objectif de cet article est de permettre à chacun de ceux qui ont du mal à soutenir le choix d’une échelle à 5 niveaux, d’avoir des arguments en sa faveur.
Ces arguments sont principalement pertinents dans le cadre des études d’opinion et ne prétendent pas à pouvoir être généralisés à toutes les autres formes de questionnement.
« Il faut toujours penser par soi même, ne rien apprendre par cœur, toujours tout redécouvrir et en tout cas, ne rien accepter qui ne soit prouvé, ne rien négliger de ce qui est concevable ou imaginable »
Albert Einstein
Merci de l’intérêt que vous avez porté à ce billet et des commentaires que vous allez laisser sur ce blog afin de le faire évoluer dans le sens de vos attentes.
Philippe PLANTIER
————————————————————————————-
Qui sont ils ?
(1) LAPLACE Pierre Simon, marquis de-, français, 1749-1827 |
Savant universel, astronome, physicien, mathématicien et fin politicien, Laplace fut inspecteur des armées avant la révolution de 1789, ministre sous Bonaparte, comte sous Napoléon, marquis sous Louis XVIII. Il fut ami du chimiste Lavoisier qui traversa avec moins de chance cette période trouble de l’histoire de France.
Laplace, brillant jeune mathématicien, fut recommandé par d’Alembert et nommé professeur de mathématiques à l’École Militaire de Paris. Il n’a que 19 ans… Il succédera à Bézout (1784) comme examinateur. Il prouve (1783), en démontrant l’invariance des grands axes des orbites planétaires, la stabilité mécanique du système solaire, ce qui lui vaut, à 24 ans, une place à l’Académie des Sciences.
Examinateur (1785) du jeune Napoléon Bonaparte, alors élève de l’École Militaire, Laplace enseignera ensuite à l’École Polytechnique, dont il fut, avec Monge, un des fondateurs (ainsi que de l’École Normale) avant d’entamer sa carrière politique (sénateur). La Restauration lui valut le titre de Marquis et de pair de France.
Laplace se distingua dans toutes les branches actives de la science de son époque : électromagnétisme (lois de Laplace régissant les interactions d’un champ magnétique sur un courant), optique, étude des gaz, pression atmosphérique, théorie des marées, cosmogonie (théorie de la formation de l’univers) dans son Exposition du système du monde (1796) où il expose la genèse de notre monde dans une théorie proche de celle décrite aujourd’hui.
(2)GAUß Johann Carl Friedrich (Gauss en français), allemand 1777 – 1855
Surnommé « le prince des mathématiciens », il est considéré comme l’un des plus grands mathématiciens de tous les temps.
Mathématicien, astronome et physicien allemand. Doté d’un grand génie, il a apporté de très importantes contributions à ces trois sciences. La qualité extraordinaire de ses travaux scientifiques était déjà reconnue par ses contemporains. Dès 1856, le roi de Hanovre fit graver des pièces commémoratives avec l’image de Gauss et l’inscription Mathematicorum Principi (« au prince des mathématiciens » en latin). Gauss n’ayant publié qu’une partie infime de ses découvertes, la postérité découvrit la profondeur et l’étendue de son œuvre uniquement lorsque son journal intime, publié en 1898, fut découvert et exploité.
Considéré par beaucoup comme distant et austère, Gauss ne travailla jamais comme professeur de mathématiques, détestait enseigner et collabora rarement avec d’autres mathématiciens. Malgré cela, plusieurs de ses étudiants devinrent de grands mathématiciens, notamment Richard Dedekind et Bernhard Riemann
(3)Rensis Likert (1903 – 1981) américain
Psychologue connu pour son apport à la psychométrie et à la mesure des attitudes. Il a aussi atteint une certaine renommée dans le milieu du management pour son travail sur les styles de leadership.
(4)Osgood 1916-1991 psychologue
L’échelle d’Osgood : Deux qualificatifs à la signification opposée (bon/mauvais, moderne/ancien, etc.) sont inscrits à chaque extrémité d’un même axe. Entre ces deux termes, plusieurs cases intermédiaires sont sélectionnables.
Ex : D’après l’affiche de ce film, diriez vous que l’histoire qu’il raconte vous semble:
Passionnante |
I————I————I————I————I————I————I————I |
Ennuyeuse |
Militante |
I————I————I————I————I————I————I————I |
Apolitique |
Crédible |
I————I————I————I————I————I————I————I |
Fantaisiste |
(5) AGICOM le Ravissement source http://www.surveystore.info/NSarticle/marketing-news-2004-agicom.asp
AGICOM propose 2 approches distinctes pour mettre en place la GRD :
Un modèle de 30 questions pour valider les fondements de la relation avec la distribution
– L’offre
– Le développement mutuel
– La qualité de service
Des études ad hoc
– Satisfaction
– Ravissement
– Image
– Notoriété
– Impact
– Usage
– Attentes
– Comportements
Sur une échelle de mesure exclusive et une méthode de questionnement telle qu’elle peut faire la différence entre la satisfaction froide ou rationnelle et la satisfaction chaude ou affective appelée chez nous « Ravissement-Enthousiasme ou Déception-Rupture »
(6) Midnight Express est un film américano–britannique réalisé par Alan Parker, sorti en 1978. Il raconte l’histoire vraie de William Hayes, arrêté et emprisonné en Turquie en 1970. Hayes a participé en tant que consultant à la réalisation.